PRENDRE LE LARGE DANS UN SIDE-CAR

En 1921, deux photographes naturalistes se sont montrés fort ingénieux lorsqu’ils se sont retrouvés bloqués lors d’un voyage à moto – comme cela a été documenté dans The Enthusiast^™.

Images présentées avec l’aimable autorisation des archives de Harley-Davidson

Les lecteurs qui ont feuilleté le magazine The Enthusiast^™ en septembre 1921 ont peut-être été intrigués par le titre « An Amphibious Sidecar Tour of the Salton Sea » (Une tournée de la Salton Sea en side-car amphibie) et encore plus en voyant les photos semblant montrer un homme en train de pagayer dans un canot aux allures plutôt insolites.

Cet homme, c’était Philip Johnston qui, avec son compagnon, John Edwin Hogg, était parti de Los Angeles quelques jours plus tôt avec l’intention de photographier l’abondante faune ailée de Pelican Island, situé à environ 30 kilomètres dans le lac salé dénommé Salton Sea.

La Salton Sea est le plus grand lac de la Californie; il se trouve dans la partie sud du désert de Colorado. Les conditions y sont difficiles et changeantes et les températures peuvent être extrêmes; en fait, n’eût été du fait que le couple voulait prendre des photos pendant la saison de la reproduction, il n’aurait pas envisagé de faire le voyage en plein été. Quoi qu’il en soit, ils se sont mis en route avec tout l’équipement nécessaire au guidon de leurs motos Harley-Davidson^® respectives, toutes deux dotées d’un side-car rempli de leur attirail de camping et de provisions.

Les deux compères ont dû constamment enlever et ajouter des couches de vêtements en route vers Palm Canyon où ils avaient planifié de passer leur première nuit. À un moment donné, ils ont grimpé jusqu’à 790 mètres pour atteindre le San Gorgonio Pass avant de redescendre vers Palm Springs – un dénivelé de 644 mètres sur une distance d’à peine 37 kilomètres. Cependant, la partie la plus difficile de la virée cette journée-là était à venir : pour parcourir les quelques huit kilomètres suivants en direction de Palm Canyon, il leur a fallu emprunter une piste sablonneuse aux ornières profondes, ce qui a donné du fil à retordre à leurs motos. Ils ont fini par s’arrêter et Hogg a allongé les essieux du side-car pour que ses roues s’adaptent aux sillons; n’ayant pas pu faire de même, Johnson a dû parcourir le trajet cahoteux du mieux qu’il a pu. Finalement, ils sont arrivés au havre de Palm Canyon où ils ont installé leur campement pour la nuit.

Le lendemain, ils ont repris la route sous une chaleur accablante, cette fois en direction de Mullet Island, le seul endroit accessible de la Salton Sea. « Par moments, la chaleur était tellement intense qu’il nous fallait tenir nos bras en l’air devant nos visages pour nous protéger des vents brûlants », racontait Hogg. Ils ont été par contre très impressionnés par la façon dont les motos se sont comportées dans ces conditions extrêmes.

Le duo avait planifié de faire appel, à leur arrivée à Mullet Island, au Captain Charles E. Davis, qui dirigeait l’industrie de la pêche sur la Salton Sea et vivait à un endroit appelé Hell’s Kitchen. Ils avaient écrit au capitaine auparavant pour lui demander la permission d’utiliser l’un de ses bateaux à moteur en vue de pouvoir explorer le lac plus à fond. Or, à leur grande déception, à leur arrivée, Captain Davis n’était pas chez lui – il était parti pour quelques semaines à Pelican Island, où il travaillait sur l’un de ses bateaux. Et voilà que Johnston et Hogg se sont vu refuser le droit d’utiliser un bateau en l’absence du capitaine. Alors, le projet était-il tombé à l’eau? Pas question pour Hogg de se laisser abattre. « On n’a pas besoin de bateaux, a-t-il dit. On a deux side-cars qu’on peut utiliser pour traverser le lac à la rame. »

Au grand étonnement du pêcheur qui les avait accueillis, ils ont demandé un bidon de poix et du calfeutrant pour sceller les coutures des side-cars ainsi que quelques vieilles rames qui devaient leur servir de pagaies de fortune. Après avoir ainsi préparé les side-cars, ils les ont laissés sécher toute la nuit avant d’essayer de se reposer au milieu des tremblements de terre fréquents qui ont secoué la région toute la nuit.

L’arrivée du petit matin a marqué l’heure de la vérité pour les embarcations improvisées. Heureusement, leur audace a porté ses fruits : « Hogg a vite découvert que son roadster était un parfait petit canot… et il pouvait même se tenir debout et pagayer sans la moindre difficulté », comme il est raconté dans The Enthusiast. Lui et Johnston se sont lancés alors dans la traversée du lac, mais la chaleur les mit à rude épreuve et ils ont dû s’asperger avec l’eau du lac pour obtenir un certain soulagement. Vers midi, ils ont aperçu Pelican Island à l’horizon, mais leurs progrès étaient lents.

« Pendant les deux heures suivantes, ils ont pagayé et pagayé, mais avec le sentiment de ne pas avancer. La Salton Sea leur semblait aussi vaste que l’océan Pacifique et ils avaient l’impression de pagayer depuis toujours dans cette terrible chaleur. »

Juste au moment où les deux hommes sentaient qu’ils n’en pouvaient plus, le salut est apparu en la personne du Captain Davis. Il les avait repérés depuis son île et est venu à leur rescousse avec son bateau à moteur. Il les a fait monter à bord avec leurs embarcations et les a emmenés sur Pelican Island où ils ont dormi sur leurs deux oreilles après les efforts acharnés de la journée.

Johnston and Hogg ont ensuite passé deux jours sur le lac à photographier pélicans, cormorans, mouettes, sternes et autres oiseaux aquatiques. Si les 30 kilomètres qui les séparaient de Pelican Island s’étaient avérés au-delà des capacités des side-cars, ceux-ci se sont révélés le moyen de transport idéal pour se déplacer entre les nombreuses petites îles du lac, pendant que le duo effectuait leurs observations et prenaient des photos. Une fois leur travail terminé, ils sont retournés à Mullet Island à bord du bateau du Captain Davis, ravis du succès de leur excursion et pleins de projets pour une prochaine visite – mais à une période plus fraîche de l’année!

Et pour ceux et celles qui se préoccupaient de l’état des side-cars, The Enthusiast s’était empressé de les rassurer :

« Qu’il suffise de dire que les side-cars ne s’en portent plus mal après leur bain dans le lac salé et que les motos, elles, ne sont pas tombées en panne depuis leur voyage éprouvant. »

Fait remarquable, le voyage de Johnston et de Hogg a été en partie filmé; vous pouvez voir ici des séquences avec l’aimable autorisation de l’University of South Carolina.

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